Manifeste de l’abstraction idéelle

 

Le sujet, en peinture, est un survivant.

Mais à quoi sert-il, au juste ?

Est-il un prétexte à la couleur ?

La justification d’un trait personnel ?

N’est-il qu’une porte d’entrée facile pour les consciences nécessiteuses d’une figuration évidente ?

Est-il l’échelle d’une évaluation technique ?

La représentation de la sincérité ?

L’idéalisation d’une perfection ?

 

Nous, les abstraits idéels, affirmons que le sujet ne nous intéresse pas dans sa reproduction fidèle.

Il ne nous passionne qu’au début d’une phrase ou s’il est une personne.

Nous réfutons le sujet rapporté qui n’est que de l’histoire ancienne.

Nous fuyons le sujet affirmé qui n’est qu’un ego boursouflé.

Alors pourquoi évoquer le sujet comme un éventuel nouveau centre de l’œuvre d’art ?

Parce qu’il peut être le fondement d’une réflexion, l’étincelle d’un échange.

 

Nous, les abstraits idéels, voulons un sujet discret, léger, humble et sobre.

Un sujet qui ne soit qu’un détail d’une peinture qui l’enveloppe.

Nous, les abstraits idéels, le concevons telle une question à celui qui le regarde : « Pourquoi suis-je là ? »

À cette question, nous apportons notre réponse :

parce qu’il marque l’idée qui a présidé à la réalisation de l’œuvre.

Parce qu’il est une partie de la Vérité.

Cette Vérité qu’est l’art lorsqu’il ne copie rien, ne reproduit pas, et s’abolit des codes de reconnaissances,

lorsque la main du créateur disparaît devant l’œuvre créée et quand cette dernière acquiert son autonomie

propre, son existence individuelle, comparable à rien.

 

Durant des décennies, l’abstraction a tout emporté sur son passage.

Nous, les abstraits idéels, réconcilions le sujet et l’abstraction.

Nous affirmons avoir ainsi donné naissance à l’abstraction idéelle.

 

L’abstraction idéelle est toute relative à l’idée qu’elle met en valeur, portée par le sujet.

L’abstraction idéelle épouse une figuration légère pour former un couple, non idéal, mais idéel.

L’abstraction idéelle ne naît pas d’un involontaire tumulte de formes et de couleurs.

L’abstraction idéelle ne célèbre pas l’âme de l’artiste, mais la fulgurance de son idée mise en peinture.

L’abstraction idéelle est le couple parfait dans son imperfection permanente,

tantôt dominée par l’idée, tantôt sublimée par le geste, sans recherche d’équilibre ni de compromis.

 

En embrassant l’abstraction idéelle, nous affirmons transcender l’abstraction pure.

En embrassant l’abstraction idéelle, nous affirmons voyager dans l’éternité de l’émotion

qu’offrent le cœur et l’esprit indissociés.